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ranta, la Forêt charmante, l’unique et valeureuse Arsinda. Mais celle qui, à mon goût, mérite la préférence entre toutes, et dont je suis encore fier, c’est la Confusa : parmi toutes les comédies de cape et d’épée qui ont été représentées jusqu’à ce jour, soit dit sans faire tort à aucune, elle tient un rang distingué, étant une des meilleures. — Et en avez-vous encore en réserve ? — J’en ai six, avec autant d’intermèdes. — Et pourquoi ne les représente-t-on pas ? — Parce que les directeurs ne courent pas après moi, ni moi après eux. — Ils ne savent pas apparemment que vous avez de telles provisions. — Ils le savent parfaitement ; mais comme ils ont leurs poëtes en titre et qu’ils s’en trouvent bien, il ne leur vient pas à l’idée de chercher pire. D’ailleurs, je compte livrer ces pièces à l’impression ; et de la sorte le lecteur verra à son aise ce qui se passe si vite sur la scène et ce qu’on supprime souvent ou ce qu’on ne comprend pas, durant la représentation. Il en est des comédies comme des airs de musique ; elles ont aussi leur temps. »

Nous en étions là de notre entretien, lorsque Pancracio glissa sa main sous ses vêtements et en tira une lettre, dans son enveloppe ; il la baisa d’abord et me la remit aussitôt. Je lus la suscription et elle était conçue en ces termes : « À Miguel de Cervantes Saavedra, rue de las Huertas, en face des maisons qu’habitait le prince du Maroc, à Madrid. » Le port était d’un demi-réal, j’entends dix-sept maravédis.