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lui dis-je, il en est des comédies comme de quelques jolies femmes ; elles ont leurs jours. Et pour ce qui est du succès, le hasard y a autant de part que le talent ; j’ai vu telle comédie lapidée à Madrid et couverte de lauriers à Tolède. Ainsi donc, gardez-vous, en dépit de ce premier échec, de renoncer à écrire des comédies ; il se pourra faire qu’au moment où vous y penserez le moins, vous mettiez la main sur une pièce qui vous donnera réputation et argent. — Je me soucie fort peu de l’argent, répondit mon poëte ; c’est la réputation que je prise par-dessus tout. Rien n’égale la satisfaction d’un auteur qui voit les spectateurs sortant en foule du théâtre, tous contents, tandis qu’il se tient lui-même à la porte et reçoit les félicitations de tout le monde. — Ces joies-là ont aussi leurs mécomptes, répliquai-je. Il peut arriver en effet que la comédie soit détestable ; et dans ce cas, personne n’ose lever les yeux sur le poëte, lui-même il s’enfuit à toutes jambes loin du lieu de sa chute, et les acteurs restent confus et honteux de s’être trompés dans le choix d’une pièce qu’ils avaient cru bonne. — Et vous, seigneur Cervantes, n’avez-vous pas essayé le masque ? Avez-vous fait quelque comédie ? — Oui certes, plusieurs, et si elles n’étaient pas de moi, elles me paraîtraient telles qu’on les trouva, dignes de louange. Je puis citer entre beaucoup d’autres, dont il ne me souvient plus, la Vie à Alger, la Numance, la grande Turquoise, le Combat naval, la Jérusalem, l’Ama-