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puissants auxiliaires. Les fruits du génie d’une personne riche et amoureuse, paralysent l’avarice et stimulent la libéralité ; tandis que le poëte pauvre perd une bonne moitié de ses pensées et de ses conceptions divines, à la recherche impérieuse du pain de chaque jour. Mais, dites-moi, sur votre vie, quel est le ragoût poétique que vous consommez de préférence ou qui plaît le plus à votre goût ? » Il répondit à cela : « Je n’entends point ce terme de ragoût poétique. — Miguel. Je veux dire, vers quel genre de poésie vous sentez-vous plus porté ? Est-ce au lyrique, à l’héroïque, au comique ? — Je m’accommode de tous les genres ; mais, c’est dans le comique que je m’exerce de préférence. — Miguel. De sorte donc, que vous avez fait quelques comédies ? — Pancracio. J’en ai fait plusieurs, mais il n’y en a eu qu’une de jouée. — Et l’a-t-on trouvée bonne ? — Pancracio. Non pas le vulgaire. — Miguel. Et les intelligents ? — Non plus. — Et le motif ? — Le motif, c’est qu’on lui reprocha d’être trop longue en discours, d’une versification imparfaite et d’une invention médiocre. — Voila certes, répondis-je, des défauts qui feraient tort même aux comédies de Plaute. — En outre, reprit-il, le public n’eut pas le loisir de l’apprécier, car les clameurs de la foule l’empêchèrent d’aller jusqu’à la fin. Et malgré tout, le directeur l’afficha pour un autre jour ; mais sa persistance n’eut point grand effet : il vint à peine cinq personnes. — Que voulez-vous,