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pourrais, sans interruption, suivre des yeux la marche de la cérémonie ; l’idée m’étant venue sur-le-champ de versifier harmonieusement ces fêtes, moyennant l’inspiration de Phœbus. Il fit ce que je lui demandais, et je fus témoin d’un spectacle que j’ose à peine rappeler à mon souvenir, car, pour le décrire, il n’est point de langue ni de génie qui y suffisent. Le mieux, ce sera de le passer sous silence, et l’admiration saura bien suppléer cette lacune. J’ai su depuis que l’ingénieux don Juan de Oquina en fit en prose une relation élégante, magnifique, irréprochable, et la livra à l’impression, pour la plus grande gloire de notre époque. Les histoires fabuleuses, non plus que les histoires véritables, ne font pas mention de fêtes aussi mémorables que celles-là.

De l’endroit où j’étais, je fus emporté, sans savoir comment, en un lieu où je vis le grand duc de Pastrana recevoir toute sorte de compliments de bienvenue. La renommée, sans mentir, et non sans fierté, racontait l’heureux effet qu’avait produit sa présence et sa courtoisie plus qu’humaine. Pour la libéralité, ce fut un nouvel Alexandre, et sa générosité égala tous les prodiges de la magnificence royale. Il ravit l’admiration générale.

Je rentrai dans Madrid, en costume de pèlerin ; on tire toujours quelque profit des apparences de la sainteté. Du plus loin qu’il m’aperçut, le fameux Acevedo me tira son chapeau, et il dit : « A Dio, voi siate il ben