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terre ; mais la volonté du ciel qui gouverne tout le monde, m’a amené en un lieu qui me cause plus de joie que d’affliction. » J’allais poursuivre, lorsqu’un bruit formidable de fifres, de clairons et de tambours vint troubler mon âme et réjouir mon oreille. Je tournai les yeux du côté où se faisait le bruit, et j’aperçus les préparatifs d’une fête, telle que Rome n’en vit jamais en ses meilleurs jours de prospérité.

Mon ami me dit : « Celui que tu vois paraître, gravissant cette montagne tourmentée, et dont l’ardeur l’emporte sur celle de Mars, est un haut personnage qui fait que l’envie se consume de rage, parce qu’il suit sans dévier le droit chemin de la vertu. Grave dans son maintien, et d’un caractère affable, il étonne et charme en même temps, et sa prudence peut servir de conseillère à la sagesse. Mais avant d’aller plus loin, je veux te donner toutes les explications qui pourront t’aider à suivre sans peine mon récit.

« Afin que mon discours se fixe bien dans ta mémoire, et que mes paroles atteignent leur but, je commencerai par te parler de Don Juan de Tasis, homme rare et d’une générosité remarquable, qui emprunte son titre de comte à Villamediana, quoique ses actions admirables le fassent roi. C’est lui qui ne cache jamais ses richesses ; il les distribue, les répand sans cesse et en tous lieux, sans s’inquiéter d’autre chose ; c’est lui que la renommée a porté si haut, que son nom est synonyme de libéral et de prodigue ;