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monde, il n’en est pas une qui ait un tel prestige. Paisible en temps de paix, forte durant la guerre, mère de l’abondance et de la noblesse, aux campagnes élyséennes et aux montagnes ravissantes. Si je ne me fais point illusion, il me semble qu’elle est en partie changée de place, à l’avantage de sa beauté. Quel est ce théâtre où se déploient tous les enchantements de la beauté, du luxe, de l’élégance, de l’industrie et de l’art ? Il faut que le sommeil appesantisse encore mes paupières, car voilà un monument imaginaire, dont la construction dépasse toute conception humaine. »

Là-dessus se glissa jusqu’à moi un mien ami, nommé Promontorio, jeune d’années, mais soldat incomparable. Mon admiration redoubla en le voyant à Naples de mes propres yeux, à n’en pouvoir douter : nouvelle surprise, à la suite de tant d’autres. Cependant mon camarade m’embrassait tendrement, et tout en me serrant dans ses bras, il me disait qu’en vérité il ne pouvait se faire à l’idée de ma présence en ces lieux ; il m’appelait « mon père, » et moi je l’appelais « mon fils. » Aussi la vérité se fit-elle jour à point nommé, ou pour mieux dire, à point fixe.

Promontorio me dit : « Je conjecture, mon père, que quelque accident extraordinaire, survenu à vos cheveux blancs, vous amène ici de si loin, à demi-mort. » — « Mon fils, lui répondis-je, en mes jeunes années et dans tout l’éclat de ma vigueur, j’habitai cette