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XIX

vif et ingénieux et par sa conversation aimable. Son mérite séduisit le cœur d’une noble dame, et de cette passion naquit une fille naturelle, à laquelle Cervantes donna le nom de doña Isabel de Saavedra. Il n’eut point d’autre enfant, et il la garda toujours auprès de lui.

Ce lien vivant l’attacha fortement au Portugal. Il n’oublia jamais l’accueil cordial qu’on lui avait fait et la franche hospitalité qu’il avait reçue dans cette contrée, qu’il appelle « une terre de promission. » De tous les écrivains espagnols il est peut-être le seul qui ait fait l’éloge du pays et des habitants. Il connaissait à fond leur caractère qu’il estimait, leurs mœurs et leurs usages, qu’il a décrits avec complaisance. Il vantait la douceur et la grâce de leur langue, et surtout la beauté des femmes, à laquelle il fut si sensible.

Toutes les fois que Cervantes parle du Portugal, il semble que son imagination s’inspire des doux souvenirs du cœur. Cette particularité mérite d’être relevée, car elle est une exception heureuse à cette antipathie qui sépare deux nations voisines et faites pour être unies ; antipathie vivace, surtout depuis la conquête de Philippe II, et qui a été bien près de la haine. On raconte en Espagne qu’un Castillan remerciait Dieu tous les jours de l’avoir fait homme et de ne pas l’avoir fait Portugais. On sait d’autre part que le dominicain Texeira, mort en 1601, prêchait que « nous sommes tenus d’aimer tous les hom-