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étaient d’un carmin foncé comme le coquelicot, uniques dans leur genre. Tantôt il marche doucement, tantôt il se hâte ; tantôt il vole, tantôt il se cabre en silence ou en hennissant. Excellente aubaine pour les poëtes ! Quelques-uns d’entre eux recueillaient ses excréments dans deux grands sacs de cuir.

Je demandai pourquoi ils prenaient cette peine. Le dieu de Cyllène me répondit en ricanant, non sans une pointe d’ironie : « Ce qu’ils ramassent, c’est le tabac que l’on utilise pour combattre les vertiges des poëtes de faible cervelle. Uranie sait le préparer de telle façon qu’aussitôt que le patient en a aspiré quelques prises, il recouvre la santé et revient à son état normal. »

Je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils et fis un geste de dégoût, tant cet étrange remède me parut singulier. « Mon ami, dit Apollon, tu es dans l’erreur, devinant ma pensée ; ce remède est souverain contre les vertiges, il guérit et chasse le mal. Ce coursier ne se nourrit pas des aliments qui soutiennent le soldat pendant un siége, lorsque la disette et la mort le menacent de toutes parts. La ration de cet animal est exquise ; il mange de l’ambre et du musc, proprement conservés dans du coton ; il a pour boisson la rosée des prairies. Nous lui donnons parfois une mesure d’amidon, parfois aussi un panier de caroubes ; avec cela il remplit sa panse, sans en éprouver ni relâchement ni gêne. » — « Soit, répondis-je, tout pour le mieux ; mais pour le moment mon