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leurs désirs en récompensant tous les poëtes du vaillant escadron. Flore lui présenta cinq grandes corbeilles de roses, de jasmins et d’amaranthes, et l’Aurore autant de corbeilles de perles. Tels furent, ô lecteur clément, les dons que le dieu de Délos distribua d’une main prodigue aux héros de la poésie. Une poignée de perles et une rose les rendaient heureux et fiers ; c’était à leurs yeux une récompense surhumaine.

Pour rendre plus merveilleuse encore cette fête de réjouissance, à la suite d’une si brillante et si prodigieuse victoire, la bonne Poésie fit amener l’animal dont le sabot ouvrit la source de la fraîche Castalie. Aussitôt un laquais l’amena, tout harnaché de très-fine écarlate, rongeant un frein d’argent poli. Rossinante lui même, et Brillador, le coursier du seigneur d’Anglante, eussent porté envie à ce brillant Pégase. Ses quatre pieds étaient garnis de je ne sais combien d’ailes, signe manifeste de sa légèreté prodigieuse. Pour montrer son agilité, il s’éleva d’un seul coup à quatre piques au-dessus du sol, intrépidement et sans nul effort. Ô toi, qui m’écoutes, si tu prêtes l’oreille à l’agréable récit de ce grand voyage, tu entendras des choses nouvelles, et d’un goût exquis.

Tous les fers du beau trotteur étaient d’argent aussi dur que le diamant, et résistant à toute usure. Sa queue dont les crins, livrés à eux-mêmes, balayent le sol, est renfermée dans un étui de satin, de la nuance dite gorge de pigeon. Ses crins et sa queue