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Flore, quatre corbeilles de roses purpurines et six corbeilles de ces perles qu’elle pleure. Puis il demanda leurs couronnes aux vierges d’une beauté accomplie, qui les donnèrent sans hésiter un moment. Trois des plus belles, s’il m’en souvient, furent expédiées à Naples et confiées aux soins de Mercure. Trois autres furent posées, là même, sur la tête de trois poëtes, dont le nom et la patrie reçurent de cette distinction une consécration éternelle. Les trois autres échurent à l’Espagne et couronnèrent justement la tête de trois poëtes dignes d’une telle gloire.

Bientôt l’envie, ce monstre hideux, brûlant de rage, commence à murmurer contre le don sacré. « Se peut-il, dit-elle, qu’il y ait en Espagne neuf poëtes lauréats ? Apollon est un grand maître, mais un pauvre juge. »

Le reste de la troupe, voyant ses espérances déçues, répétait le méchant refrain de l’envie. Avant le combat, ils comptaient tous sur la couronne, et maintenant ils adressent leurs plaintes au ciel contre l’injustice qui les frappe. Certains poëtes en langue vulgaire espèrent obtenir bientôt la glorieuse récompense, en dépit d’Apollon ; d’autres, tout savants qu’ils sont, désespèrent de toucher une seule feuille de laurier, dussent-ils mourir à la peine. Celui-là se venge le moins qui se fâche le plus ; tel d’entre eux porte la main au front et aux tempes, comme s’il cherchait la couronne.

Apollon mit un frein à l’intempérance de