Page:Levoyageauparnas00cerv.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 82 —

guerre, là où doucement reposait la paix ; ne pouvant se contenir en d’étroites limites. Lorsque le héros romain laissait dévorer par les flammes, son bras vaillant et redoutable, c’est elle qui refroidissait le feu terrible. C’est elle qui poussa le chevalier de Rome dans l’abîme de la fournaise ardente, tout couvert d’armes brillantes et d’acier resplendissant. C’est elle, qui souvent, emportée par son ambition irrésistible, tente hardiment l’impossible. Depuis la brûlante Libye, jusqu’à la Scythie glacée, la renommée propage son souvenir qui s’accroît par des entreprises grandioses. En résumé, c’est la vaine gloire hautaine, qui intervient dans les hauts faits, dont les siècles ne peuvent effacer la trace. C’est elle-même qui se réserve le triomphe et la satisfaction de ses désirs, sans se mettre en peine de saisir au chignon l’occasion chauve. Elle ne boit, ne mange que de l’air ; aussi augmente-t-elle si fort de volume, en un instant, qu’on ne saurait prendre sa mesure. Quant à ces deux compagnes qui sont à ses côtés, ce sont les mêmes qui servent de support à cette grande machine. Leur voix mielleuse, leurs doux regards, leur apparente humilité, leurs brillants discours qui les rendent si aimables, en font des créatures plus divines qu’humaines. Sache, sans perdre le calme et la patience, que ce sont deux sœurs, l’adulation et le mensonge. Elles se tiennent constamment en sa présence, lui soufflant à l’oreille des paroles qui semblent empreintes