Page:Levoyageauparnas00cerv.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 76 —

la fois de l’une et de l’autre. Pour moi, je m’endormis comme une souche, l’imagination remplie de mille choses que je m’engage à raconter, quelque difficile qu’en soit le récit.


CHAPITRE VI.

Trois causes produisent les rêves ou les songes, pour parler comme ceux qui sont les maîtres du bien dire. La première c’est l’habitude des choses qui sont le plus familières à l’homme ; la seconde dépend, suivant la médecine, de l’humeur qui est en prédominance dans notre corps. La troisième tient à des révélations ; et c’est une cause qui, pour notre propre avantage, est bien plus efficace que les deux autres. Je m’endormis donc et je rêvai et la troisième de ces causes explique suffisamment l’origine de mon rêve : j’étais moulu, agacé et tourmenté par la faim.

Le malade, dont les entrailles sont embrasées par l’ardeur de la fièvre, rêve qu’il a dans la bouche une des sources qu’il a vues ; sa lèvre approche du cristal qui se dérobe et, ce soulagement imaginaire qu’a produit le sommeil, avive le désir, sans diminuer la soif. Tout en dormant, le vaillant soldat