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prendra pour un cygne à ses derniers moments.


CHAPITRE V.

Le maître du maritime empire entendit les supplications d’Apollon et les écouta avec une âme tendre et un cœur clément. Il cligna de l’œil, frappa du pied les flots, et sans que les poëtes s’en fussent aperçus, il les souleva tout d’un coup jusqu’au ciel. Quant à lui, par des chemins détournés, il se blottit sous le navire, et là il fit des tours de son métier. De son trident il heurta la partie creuse de la carcasse et lui remplit le ventre d’un large fleuve d’eau amère. Aussitôt que le péril se révèle, les airs retentissent d’un murmure confus, résultant de mille voix animées par la crainte et la souffrance. Petit à petit le pauvre vaisseau s’abîme dans les entrailles du monstre azuré et blanc, qui engloutit tant d’âmes. Dans l’air montent les vaines clameurs de ces misérables, qui soupirent de se voir sans ressource, si près de leur fin. Ils grimpent le long des vergues, et cherchent du regard le point culminant du navire ; et plusieurs y montent et s’y tiennent groupés. La confusion, la crainte, l’alarme