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nité qui a fait erreur dans son choix, et si je n’ai fait qu’approuver ce qu’il m’a dit, pourquoi ce maraud se courrouce-t-il contre moi ? Ce n’est point sans cause ni sans raison que suis peiné de voir que ces barbares veulent me tenir longuement dans une crainte cruelle. Ceux-ci m’abhorrent, parce que je les ai inscrits ; et ceux-là sont résolus à me chagriner, parce que j’ai négligé de les inscrire. Je ne sais en vérité comment m’entendre avec eux ; les inscrits se désolent, les non inscrits se fâchent, et les uns et les autres me font trembler. Toi, Seigneur, puisque tu es dieu, assigne-leur le rang qui convient à leur génie : appelle et désigne ceux qui sont les plus habiles et les plus prompts. Et de peur que je ne succombe à la noire crainte qui m’épouvante, aussitôt que la dispute aura pris fin, couvre-moi de ton manteau et m’abrite de ton ombre. Ou bien mets-moi une marque qui montre que je suis de ta maison et ta créature ; et de la sorte nul ne me fera outrage. »

— « Tourne de ce côté tes regards et vois ce qui se passe, » me dit Apollon en courroux et le cœur bouillant de fureur.

Je regardai, et je vis le spectacle le plus réjouissant et le plus triste qu’oncques le monde ait vu ; non, il n’y en eut et il n’y en aura jamais de pareil. Mais qu’on ne s’attende pas à en trouver ici la description ; je la réserve pour la cinquième partie, et je me propose de chanter d’une voix si haute et si éclatante, que j’espère bien qu’on me