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XV

paux prisonniers attendaient le signal du départ, lorsqu’un traître, du nom de Juan Blanco de Paz, ancien moine dominicain, dénonça lâchement le projet d’évasion à Azan-aga.

Cervantes pouvait encore se sauver : on lui en facilitait les moyens. Il n’en fit rien, et pour la seconde fois il se dévoua au salut de ses compagnons de captivité. Comme il était caché chez un ami, apprenant que le dey le faisait chercher, et menaçait de mort quiconque lui donnerait asile, il sortit aussitôt de sa retraite et se livra lui-même.

Conduit en présence du dey, il resta calme et sut résister à tous les moyens d’intimidation. On lui passa une corde autour du cou, on lui lia les mains derrière le dos ; il crut un moment qu’on l’allait pendre. Malgré tout il fut inébranlable. Il déclara que le projet d’évasion dont il était l’auteur avait été combiné et arrêté d’avance avec quatre de ses anciens camarades, rendus depuis quelque temps à la liberté, et que les autres captifs ne devaient être avertis qu’au moment de l’exécution. À moitié convaincu par toutes ces raisons, et touché peut-être de tant de courage, Azan-aga se contenta pour cette fois d’envoyer le renégat Giron en exil dans le royaume de Fez, et de faire enfermer Cervantes dans la prison des Mores, au sein de son propre palais. Il y resta cinq mois, chargé de chaînes, gardé à vue et traité avec beaucoup de rigueur.