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que revêtue d’une robe traînante, suivant la dignité de sa profession. Elle ne s’abaisse jamais à servir les rimailleurs malins et impudents, qui ne peuvent se taire sur ce qu’ils savent le moins. Il en est une autre, fausse, avide, laide et vieille, qui se plaît au son du tambourin et du mortier, toujours dans l’échoppe ou à la taverne. Elle ne s’élève pas de huit, ni même de quatre travers de doigts au-dessus du sol ; elle fréquente de préférence les noces et les baptêmes ; elle a les mains longues et bien peu de cervelle. Il lui prend parfois des paroxysmes convulsifs ; elle ne peut prononcer distinctement, et, si elle y parvient, on n’entend sortir de sa bouche qu’absurdités et solécismes. Bacchus ne la quitte guère, et, tandis qu’il fait des siennes, elle répand en couplets sa jactance, avec le pouliot, le souchet, la menthe sauvage et autres symboles de l’ostentation. Celle-ci, qui est sous tes yeux, décente en ses allures, fait l’orgueil des cieux et de la terre ; c’est chez elle que les muses tiennent bureau d’esprit. C’est elle qui cache et révèle les secrets mystères, qui effleure en passant chaque science et en retire la plus pure substance. Regarde-la plus attentivement, et tu verras en elle le type de l’abondance de ce qui est le plus excellent. Avec elle habitent, sous le même couvert, la haute spéculation et la philosophie morale, le style le plus parfait et l’élégance. Elle peut peindre la nuit au milieu du jour, et au milieu des plus épaisses ténèbres de la nuit, l’aube gracieuse qui