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le mettent en vue de Corfou, laissant à droite l’île inexpugnable. Prenant à gauche, la galère se glissait le long des rives de la Grèce, où le ciel étale sa beauté. Les flots complaisants poussaient doucement le navire, comme en se jouant de la réalité.

Dès que le blond soleil parut à l’orient, rayant notre horizon de lignes rouges, boucles de son front, un mousse cria : « La montagne, la montagne, la montagne ! Voici la montagne où paît le bon roussin du grand Bellérophon. Apollon se précipite des hauteurs et vient à pied au devant de nous. — C’est vrai, dit Lofraso, le voilà qui arrive à Hippocrène. Et j’entrevois d’ici, j’aperçois derrière ces massifs, les muses qui folâtrent joyeusement. Vieilles et jeunes, elles vont toutes d’un pas lent ou pressé, quatre marchant debout et cinq à quatre pattes. — Si tu vois cela, dit Mercure, ô poëte sarde, je veux qu’on me coupe les oreilles, ou que les hommes me tiennent pour bâtard. Dis-moi, pauvre hère, pourquoi ne t’éloignes-tu pas, tant soit peu, de l’ignorance, et n’es-tu pas attentif à ce que chantent tes rimes dans tes plaintes (élégies) ? Pourquoi nous détournes-tu, par tes mensonges de recevoir, comme nous le devons, Apollon, qui a amélioré votre sort ? »

En ce moment, plus léger que le vent, Apollon descendit vers la plage, à pied, car il n’ose monter sur son char. Il ôta les rayons de sa tête divine, et parut en haut-de-chausses et en pourpoint, vêtu de façon à