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vire. Il aurait coulé à coup sûr, si des milliers de sirènes ne fussent accourues flageller la tempête monstrueuse qui dansait le long des vergues. L’une d’entre elles que je pris d’abord pour Juana la Chasca, au large ventre et au long cou, tout à fait semblable à celui de la tarasque, s’approcha de moi et me dit : « Le salut de ce navire ne tenait plus qu’à un cheveu, quand nous sommes venues à son secours. Mais nous voici avec le beau temps que nous avons arraché à l’incurie où l’avaient plongé, au mépris de ses devoirs, les propos d’un certain Sancho Panza. »

En ce moment la tempête se calma, la mer reprit sa tranquillité, le ciel se rasséréna, et le zéphir chassa l’autan.

Je détournai les yeux, et j’aperçus un nuage couleur de glace glisser d’un vol léger à travers l’air transparent. Ô nouvelle merveille, ô cas inouï ! Oui, je le vis, et je veux le raconter, dût-on mettre en doute le fait que je tiens pour certain. Ce que je pus voir et remarquer, c’est que le nuage se partagea en deux et se mit à pleuvoir.

Quand la terre altérée attend impatiemment la pluie, on sait, par expérience, que de chaque goutte qui tombe sur le sol poudreux, s’élève un crapaud ou une grenouille, dont on aperçoit les sauts et les mouvements, lents ou rapides. Qu’on se figure pareillement voir sortir de chaque goutte de ce nuage un corps ayant forme d’homme (ô puissance souveraine !). Je fus mille fois sur le point