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du génie divin d’Apollon, dont la toute-puissance égale la volonté. Il l’a fabriqué, — le cas est nouveau, — à cette fin uniquement, que j’y fisse entrer tous les poëtes qui existent entre le Pactole et le Tage fameux. Le grand maître de Malte, averti par des espions discrets que l’Orient apprête ses flèches barbares, est inquiet, et il fait convoquer la milice qui porte la croix blanche sur sa poitrine, afin de puiser dans son concours force et courage. Suivant son exemple, Apollon a voulu que les poëtes renommés s’empressent d’accourir au Parnasse, qui se trouve réduit à une dure extrémité. Et moi, touché de ce fâcheux contre-temps, sur cette coque légère, instruit par avance de ce que j’ai à faire, je hâte ma course. J’ai rasé les rivages d’Italie, j’ai vu ceux de France, sans y toucher. Car l’Espagne est le but de ma course. C’est ici que mon voyage se terminera, je l’espère, par un doux accueil, et que je serai aisément expédié. Pour toi, dont les cheveux blancs trahissent la faiblesse, tu seras mon courtier, en cette affaire, et le poursuivant de mon projet. Vas, sans tarder un seul instant, et à tous ceux qui sont inscrits sur cette liste, tu diras de la part d’Apollon, tout ce que tu trouveras noté de ma main dans ces papiers. »

Et les ayant tirés, j’y vis un nombre infini de noms de poëtes, Yanguais, Biscayens et Coritos. J’en vis aussi de fameux de l’Andalousie, et, parmi les Castillans, des hommes chez lesquels la poésie se plaît à habiter.