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six doigts. Il était d’ailleurs, ainsi que l’antenne qui le croisait, de rudes estrambotes qui laissaient assez paraître de quel bois on les avait faits. Le racage, toujours babillard, n’était qu’un composé de petits couplets (redondillas) qui le rendaient, en apparence, plus léger. Les agrès semblaient être des seguidillas, composées de plus de mille extravagances, qui ne manquent pas de chatouiller le cœur. Les rombalières, de puissantes et honnêtes stances, planches de grande résistance, capables de supporter un ou deux poëmes. Il fallait voir les bruyantes bannières qui s’agitaient au souffle de l’air ; c’étaient des rimes variées et un peu licencieuses. Les mousses qui couraient de çà et de là, semblaient des vers enchaînés, quoiqu’ils fussent libres dans leur travail. Quant aux œuvres mortes, ce n’étaient que vers blancs ou graves sixains, qui rendaient la galère plus belle.

Enfin, d’une façon aussi aimable que douce, Mercure, remarquant que j’avais vu ce vaisseau, qui mérite justement tes louanges, ô lecteur, s’assit auprès de moi, et d’une voix sonore et harmonieusement suave, il m’adressa ces paroles, pleines de raison :

« Parmi les objets de ce monde, qui sont rares et nouveaux, et extraordinaires, tu remarqueras, si tu veux y arrêter ton attention, que ce vaisseau est un de ceux qui méritent le plus d’exciter l’admiration, et qu’il peut provoquer l’étonnement des peuples voisins et les plus reculés. Il n’est pas le produit de quelque machine enchantée, mais l’ouvrage