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du sort et des erreurs de jugement du public à son égard.

C’est d’ailleurs par ce côté confidentiel et personnel en quelque sorte, que le Voyage au Parnasse captive surtout la curiosité du lecteur. Cervantes a consigné dans ce petit poëme une partie de ses confessions, avec des détails très-précis que les biographes ont eu le tort de négliger. Ii s’est peint au moral tel qu’il était en réalité, en realidad de verdad, pour emprunter une de ses façons de dire ; et cette peinture véridique de son esprit et de son caractère n’est pas moins remarquable que la courte et vive description qu’il a faite de sa personne dans la préface de ses Nouvelles.

Quoi qu’en dise Cervantes au début du premier chant, il n’a guère emprunté à Cesare Caporale, poëte de Pérouse, de l’école burlesque du Berni, que le titre de son poëme. Son invention a tout fait, et son génie créateur a su féconder les quelques réminiscences qu’on peut noter çà et là. La composition du vaisseau allégorique qui transporte les poëtes au Parnasse, sous la conduite de Mercure, remonte, par la tradition, aux fictions poétiques du moyen âge. La métamorphose des méchants rimeurs en outres et en citrouilles, rappelle l’Apokolokyntose de Sénèque ou l’apothéose ridicule de l’empereur Claude. La rencontre de Neptune et de Vénus a pu être inspirée par quelques passages de l’Iliade ou de l’Énéide. Mais, invention ou réminiscence, tout porte