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CLXX

poëme satirique, on trouvera peut-être que le critique a été bien indulgent et parfois plus qu’indulgent. Mais Cervantes a été lui-même au-devant du reproche qu’on pourrait lui faire, d’avoir montré trop de complaisance à l’égard de certains rimeurs dont la postérité a oublié le nom. Il répond, comme s’il avait prévu l’objection, que le rang et la fortune sont de puissants auxiliaires de la médiocrité, et qu’il faut en conséquence ne pas se montrer trop sévère pour les prétentions littéraires des riches et des grands ; y pues es rico, dit-il plaisamment de ce poëte maniaque qui vient à lui comme un messager d’Apollon, no se le dé nada que sea mal poeta.

Quant à lui-même, qui était gueux comme la plupart de ses confrères en poésie, il se plaint en riant de sa misère, et il se résigne sans beaucoup de peine à souffrir la pauvreté, la faim et l’injustice des hommes, en échange de la gloire immortelle qu’il convoitait par-dessus tout.

Ce n’est point à la vanité blessée ni à l’orgueil révolté qu’il faudrait attribuer les éloges qu’il fait volontiers de son propre mérite.

Cervantes nous paraît sans doute un peu glorieux ; mais rappelons-nous qu’il n’eut jamais un sourire de la fortune. Ses contemporains ne l’apprécièrent pas à sa juste valeur. En se rendant naïvement justice, sans fausse honte comme sans fausse modestie, il se dédommageait et de la rigueur