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CLXVIII

avons pu la faire, dans les limites qu’il fallait garder, fournira des éclaircissements qui nous dispensent d’allonger encore cette introduction.

Le lecteur verra, en s’aidant de ses recherches, quels étaient les personnages dont Cervantes a si bien pris la mesure ; et il remarquera qu’en accordant des louanges méritées à des esprits supérieurs et sensés, tels que Luis Barahona de Soto, Andres Rey de Artieda et quelques autres qui défendaient sans succès les droits compromis de la raison et du goût, il rend finement justice aux chefs d’école qui lançaient la poésie espagnole sur une pente fatale ou qui la précipitaient, pour mieux dire, vers la décadence.

Trente ans avant la publication du Voyage au Parnasse, dans le sixième livre de sa Galatée (1584), Cervantes avait chanté en octaves pompeuses les gloires poétiques de l’Espagne, sans ménager les louanges aux poëtes de tout rang et de tout genre. Les louanges ne manquent pas non plus dans le Voyage au Parnasse ; mais l’éloge des poëtes les plus renommés va rarement jusqu’à l’apothéose, et tempéré par une douce et fine ironie, il est toujours plus près de la satire que du panégyrique. Nul ne se méprendra, par exemple, sur le vrai sens des louanges prodiguées à don Luis de Gongora, ce corrupteur systématique du bon goût et de la langue. Le poëte a même imité et très-heureusement en quelques endroits, le jargon de cette école du cultisme et de l’érudition