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CLXVI

Pour lui, la poésie était une vierge, qui avait à son service toutes les sciences, et qui n’admettait auprès d’elle que des adorateurs capables de l’admirer et de la comprendre. Aussi voulait-il écarter de l’autel de cette divinité tous les profanes qui prétendaient la servir malgré elle, et le nombre en était infini. Combien pense-t-on qu’il y eût de versificateurs en Espagne à l’époque où Cervantes écrivait son Voyage ? Sedano, dans un essai de catalogue, en a compté six cents environ, en reconnaissant que ce nombre représentait à peine le tiers de la totalité. Mais Sedano restait bien loin du compte exact.

Suarez de Figueroa, dans un passage très-curieux de son Pasagero, a pris la peine de noter, détail précieux et instructif, que dans une joute poétique, en l’honneur de saint Antoine de Padoue, plus de cinq mille pièces de vers furent envoyées au concours, de sorte, ajoute-t-il, qu’avec les papiers mis au rebut, il y aurait eu de quoi recouvrir les cloîtres de cent couvents. C’était alors l’usage de placarder sur les murs des cloîtres et des églises les pièces de vers qui avaient fixé l’attention des juges du concours ; et c’était du haut de la chaire, en pleine église et au beau milieu de la solennité, qu’étaient proclamés les noms des lauréats[1].

Le même auteur nous apprend que la poé-

  1. « En unaque los dias pasados se publicó en loor de san Antonio de Pádua, concurrieron cinco mil papeles de varia poesia: de suerte que habiendose