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CLVII

seulement elles nous montrent par un exemple quelles étaient les mœurs littéraires du temps ; mais elles nous renseignent excellemment sur la situation vraie de Cervantes dans cette mêlée d’intrigants et de charlatans qui trafiquaient sans pudeur de la littérature. On le voit isolé, mécontent, sans appui, privé de ces relations et de ses sympathies qui ne sont pas d’un petit secours, même aux plus forts, car il n’est si ferme volonté qui ne se sente défaillir, ni si grand courage qui ne faiblisse, lorsque dans la lutte qu’on engage pour la bonne cause, on n’a pour se soutenir que ses bonnes intentions et le témoignage de sa conscience. Nous sommes tous ainsi faits, et s’il nous arrive de rompre en visière aux us et coutumes de notre temps, à la mode, aux préjugés, il nous faut encore l’approbation et la sympathie qui soutiennent et encouragent. Autrement, les forces manquent pour résister au courant, et à moins d’être trempés à la romaine, le doute nous gagne et nous finissons par nous abandonner, de guerre lasse, au désespoir ou à l’indifférence.

Cervantes désespéra peut-être, et il douta certainement de l’utilité de sa mission, et probablement de son génie, dont la flamme, loin de faiblir, s’avivait avec les années. Y hase de advertir, remarque-t-il, avec la conscience de sa valeur, que no se escribe con las canas, sino con el entendimiento, el cual suele mejorarse con los años. Grâce à ce feu qui dévorait son âme, il ne glissa pas de