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CLVI

soi-même et des autres, dépourvu d’amis et de protecteurs. Sans doute, pour achever le tableau, ce médisant ajoute un trait final, qui nous montre Cervantes refrénant sa verve satirique, sous l’influence de la religion, à laquelle sur ses vieux jours il a demandé protection et refuge.

Quant au mérite littéraire de cet ennemi qu’il n’ose attaquer en face, ne pouvant le nier, il cherche à l’atténuer, à le réduire dans cette phrase dédaigneuse où perce le dépit : « Qu’il nous laisse tranquilles ! N’a-t-il pas dans son bagage sa Galatée et ses Nouvelles qui sont pour la plupart des comédies en prose ? » De la part d’un ennemi ce jugement est précieux, et je ne pense pas que les admirateurs les plus éclairés de Cervantes puissent trouver une meilleure formule pour caractériser ces agréables et curieuses narrations, où domine le génie comique, au même degré que dans Don Quichotte. Il avait dit plus haut de ces mêmes nouvelles, en jouant sur le titre (Novelas ejemplares), qu’elles sont moins morales que satiriques, tout en reconnaissant que l’esprit n’y manque pas : « Mas satiricas que ejemplares, si bien no poco ingeniosas. » En répondant à son antagoniste, dans la préface de la seconde partie du Don Quichotte, Cervantes lui a su gré de cet aveu et l’a remercié d’avoir reconnu la valeur de son recueil de contes.

Ce n’est pas sans dessein que nous avons insisté sur les invectives d’Avellaneda. Non-