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CLIV

placable, ce faux Avellaneda, qui mit une préface à son absurde et graveleuse continuation de don Quichotte, à seule fin de prodiguer à Cervantes l’injure et l’insulte. Avellaneda reproche aigrement à Cervantes, d’avoir offensé cet auteur dramatique, célèbre dans tous les pays, qui depuis tant d’années charme l’Espagne par ses innombrables et étonnantes comédies, conformes à la rigueur des règles qu’impose le public, et au respect de la foi et des mœurs que l’on doit attendre d’un ministre du Saint-Office[1].

Le Saint-Office est rejeté à la fin de la phrase, comme une menace. Oser attaquer, même à mots couverts, indirectement et d’une manière générale, un prêtre, un membre de la Sainte Inquisition ! Quelle hardiesse ! ou plutôt, quelle audace ! Et quels droits avait la critique sur les œuvres d’un auteur dont l’inépuisable fécondité alimentait tous les théâtres de la nation ! Évidemment ce pauvre Cervantes radotait ou cédait à un irrésistible mouvement d’envie. C’était l’opinion du faux Avellaneda. Après avoir indignement plaisanté sur la pauvreté de Cervantes, il lui reproche sa vieillesse, son

  1. Ofender á mi, y parlicularmente á quien tan justamente celebran las naciones mas extranjeras, y la nuestra debe tanto, por haber entretenido honestísima y fecundamente tantos años los teatros de España con estupendas é inumerables comédias, con el rigor del arte que pide el mundo, y con la seguridad y limpieza que de un ministro del Santo Ofîcio se debe esperar.