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CLIII

blessures et de sa main mutilée, préférait hautement le service militaire, dont il n’avait rapporté cependant que de glorieux souvenirs sans la plus petite récompense, à cette servitude des gens de plume, réduits pour vivre et prospérer, à flatter les grands et le peuple, à mendier la popularité ou des aumônes qu’on leur jetait sous forme de gratifications.

Cervantes, qui était né pour les choses de l’esprit, qui aimait avec la passion du génie la poésie et les lettres, savait par expérience, que le culte désintéressé de l’art, ne mène à rien dans ce monde. Il connut l’extrême misère, et en vint peut-être à douter de sa gloire. Ennemi juré du charlatanisme littéraire qui triomphait autour de lui, incapable de fléchir le genou devant l’idole, trop grand pour s’humilier, trop fier pour ramper, et trop sincère pour dissimuler sa pensée, il ne fut d’aucune coterie, d’aucune confrérie, dédaigna constamment la camaraderie, et dans les dernières années de sa vie seulement, il entra dans la congrégation du Saint-Sacrement et dans celle du tiers-ordre de Saint-François, peut-être par un sentiment de piété et par conviction religieuse, et peut-être aussi pour se ménager un refuge contre les calomnies et les persécutions de ses ennemis.

Ce qui me porte à croire que la prudence le dirigea dans ces deux circonstances, encore plus que la religion, c’est une insinuation assez claire de son ennemi le plus im-