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tise publique et aspirait à la popularité par tous les moyens, au détriment de sa dignité, et au mépris de ses devoirs et de sa mission. Le but de toute cette école d’entrepreneurs et de faiseurs (la collaboration était connue et très-fréquemment pratiquée) était avant tout de faire fortune, et la réputation, qu’on recherchait avidement, n’était qu’une condition pour mieux réussir dans ce commerce littéraire.

Cervantes lui-même en a fait la remarque dans la préface de la seconde partie de Don Quichotte, en répondant à cet indigne adversaire, qui, lui reprochant sa pauvreté comme un crime (paupertas mihi exprobatur, acceptum philosopho crimen et ultro profitendum, a dit noblement Apulée), se réjouissait de le priver de l’argent qu’il aurait pu gagner, en publiant lui-même la suite de son admirable roman. Reprenant avec enjouement cette passion du lucre, qui tenait lieu de talent à bien des écrivassiers, il remarque avec malice que le diable est bien fin, et qu’une de ses tentations les plus irrésistibles consiste à souffler à un homme l’idée de faire un livre, qui lui vaudra renommée et fortune « que bien sé lo que son tentaciones del demonio, y que una de las mayores es ponerle á un hombre en el entendimiento que puede componer y imprimir un libro con que gane tanta lama como dineros, y tantos dineros cuanta fama. »

Le nombre était infini de ceux qui succombaient à la tentation, poussés dans la