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CXLIX

Miracles est empruntée, sinon copiée, de la nouvelle de Rinconete et Cortadillo), dans cette description, qui n’a été ni surpassée ni égalée, de la vie des bohémiens, se trouve en germe la merveilleuse allégorie sous laquelle Cervantes a représenté la poésie, telle que la rêvait et la concevait son génie. Dans tous ses écrits, en un mot, sans parler des exemples, qui en font des modèles inimitables, il y a des règles, des préceptes, des théories, enfin des éléments suffisants pour composer un traité, sinon un code de haute critique littéraire. Je ne parle pas de l’histoire de Persilès et Sigismonde, où il y aurait encore à prendre, bien que ce roman soit avant tout un ouvrage philosophique, digne à tous égards d’un commentaire dans le genre de celui qu’a promis M. Diaz Benjumea.

Il nous suffit d’avoir signalé dans cette esquisse un des côtés les moins connus du génie de Cervantes. Ce grand écrivain était aussi un très-grand critique, et à ce titre il est le meilleur guide que l’on puisse choisir pour s’initier à la connaissance de la littérature espagnole de cette période si féconde, qui commence vers le milieu du seizième siècle et se prolonge jusqu’au premier quart du siècle suivant. Il ne se faisait aucune illusion sur l’agitation stérile qui tourmentait les esprits, ni sur la facilité, le nombre et la multiplicité des productions littéraires dans tous les genres. Il s’effrayait au contraire de cette folle gymnastique intellectuelle et de cette