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CXLVIII

daigné de s’abaisser jusqu’à cette sentine de la littérature, et dans son Voyage au Parnasse il s’est souvenu de cette poésie infime et populacière qui hante les cabarets et les mauvais lieux.

Mais avant d’aborder l’examen sommaire de ce poëme burlesque et satirique, il convient de parler des animosités, des haines implacables qu’avait provoquées Cervantes, en appliquant sa prodigieuse sagacité et son incomparable jugement à l’appréciation de la littérature contemporaine.

L’histoire du chevalier de la Manche était avant tout un livre de haute critique littéraire, et il peut être inutile de le démontrer aux lecteurs réfléchis. Les Nouvelles abondent aussi en excellentes pages de critique. Il suffit de rappeler le dialogue des deux chiens de l’hôpital de la Résurrection de Valladolid, Scipion et Berganza ; œuvre d’une grande portée philosophique, et qui est en même temps une satire très-fine des ouvrages d’imagination alors à la mode. Les historiens et les romanciers peuvent y apprendre d’un maître peut-être sans égal, comme conteur, l’art si difficile d’exposer et de narrer, en allant toujours droit au but, sans dissertations ni digressions intempestives. La triste et comique histoire du licencié Vidriera est remarquable par le nombre de ces réflexions profondes, rapides et justes, qui sont autant d’aphorismes littéraires. Dans la Gitanilla (l’original de la Esmeralda de Notre-Dame de Paris ; la fameuse description de la cour des