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CXLVII

l’occasion pour dire son mot sur quelques ouvrages récents, et notamment sur la prétendue continuation de son immortel chef-d’œuvre par Avellaneda ; et il se moque à son aise et avec son ironie habituelle de la platitude des traductions. Les ouvrages italiens étaient alors à la mode en Espagne, comme, de nos jours, les ouvrages français, et, comme de nos jours, il y avait abondance de ces traducteurs mercenaires, qui traitent à forfait avec les libraires et qui travaillent à la diable, déshabillant sans pitié l’auteur qu’ils traduisent, pour le vêtir ridiculement. La corruption profonde et peut-être irrémédiable de la langue espagnole contemporaine est en grande partie du fait de ces traducteurs à gages, qui, sans conscience, sans discernement, se hâtent de mettre en circulation, dans un jargon inqualifiable, des productions médiocres et le plus souvent de bas aloi, de ces livres sans nom, que les entrepreneurs font fabriquer pour la consommation d’un public peu délicat. Le traducteur que Cervantes met en scène, et qui passe sa vie à traduire des bagatelles, c’est-à-dire des riens, ce traducteur n’est qu’un sot ; mais il ne laisse pas pour cela de gagner gros à son métier.

Cervantes ne pouvait descendre plus bas dans la critique littéraire, à moins de s’arrêter à ces informes produits de la Muse populaire que les auteurs de bas étage, les sacristains et les aveugles, vendaient à la foule des rues, pour quelques menues pièces de monnaie. Son génie observateur n’a pas dé-