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CXLIV

tel succès. La pastorale, genre faux, tomba naturellement dès l’apparition de ces récits courts et vifs dont Cervantes lui-même a laissé des modèles achevés dans ses inimitables nouvelles. Mais le faux et l’absurde ne pouvant plus s’étaler dans les ouvrages d’imagination, destinés à la lecture, s’étaient réfugiés au théâtre, et le théâtre était une citadelle inexpugnable. Le peuple y régnait en maître. C’était là son forum et son agora, et il s’agissait avant tout, pour les dramaturges, de plaire à cette foule avide d’émotions et de spectacles extraordinaires. Le vulgaire trouvait satisfaction : les directeurs s’entendaient à merveille avec les auteurs pour donner au public des représentations impossibles. Les inventions les plus goûtées étaient celles qui s’écartaient le plus de la réalité. Quant à la vraisemblance, on ne s’en préoccupait pas le moins du monde, et lorsqu’un dramaturge taillait une pièce dans un sujet historique, son premier soin était de travestir l’histoire et de fausser la tradition. Aussi, dans ce théâtre, que les critiques de l’Allemagne proclament éminemment national, il n’y avait de réellement national que la barbarie de la conception, de l’exécution et de la mise en scène, et le mépris et l’ignorance de toute règle.

Nous avons la poétique du genre, telle que l’a écrite Lope de Vega, pour justifier sa méthode dramatique. Le fécond dramaturge déclare en substance qu’il connaît les règles de l’art, mais qu’on ne gagne à les observer