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CXL

Ce monde fictif, mais sans prestige, ne disait rien à l’imagination, rien au cœur ; mais il était la fidèle et vivante image de la décadence morale qui fut si longtemps masquée par le servilisme et la flagornerie, sous des oripeaux de théâtre. Rien n’était vrai, dans cette société d’acteurs, toujours en scène, que la perversion des grands et la misère des petits. La littérature se ressent inévitablement de l’état social. Aussi ne faut-il pas chercher le naturel et la vérité dans la littérature du dix-septième siècle ; elle est toute d’apparat, hormis les productions de trois ou quatre écrivains qui, en dépit des circonstances, furent assez forts pour répondre à la vocation de leur génie. Combien ce grand siècle avait besoin de Molière et de la Fontaine ! Vivant au milieu d’une société hypocrite, où tout était de convention, ces deux rares esprits comprirent que les œuvres d’imagination ne sont viables que par la vérité. Il fallait mettre les sentiments à la place des aventures, et des hommes a la place des héros, en peu de mots, revenir au vrai et au réel, hors desquels tout est laid et monstrueux. C’est ce qu’ils firent en maîtres, reprenant fort à propos la tradition rabelaisienne.

Le dix-septième siècle ne comprenait point Rabelais. Remarquez comment ce grand homme est traité par la Bruyère. Et pouvait-il, cet écrivain académique et maniéré, qui passe sa vie à polir un livre et à friser des phrases, goûter et pénétrer à fond cette