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CXXXVIII

mystiques n’étaient le plus souvent que des romanciers ; ils poursuivaient l’idéal de la sainteté, l’amour pur, la possession de l’être adoré, et grâce aux rêves d’une imagination exaltée, ils échappaient à la rigoureuse discipline d’un dogme étroit et aride.

Le mal était grand, et quand on remonte à la cause du mal, on doit savoir gré à Cervantes de la rigueur de sa critique impitoyable.

Dans les romans de chevalerie, si pernicieux par leur influence, on trouvait du moins, non pas l’idée claire et nette, mais le sentiment du juste. Dans ceux qui les remplacèrent immédiatement, c’est le faux qui domine et l’absurde ; les choses les meilleures y sont gâtées par le raffinement ; il n’y a dans ces insipides fictions, ni un sentiment vrai, ni une passion franche. Les romans chevaleresques avaient, à ce que l’on croit, pénétré en Espagne par la frontière des Pyrénées. L’Espagne acquitta une dette contractée au moyen âge, en rendant à la France, vers la fin du seizième siècle, des bergers pour des chevaliers. L’épidémie des pastorales, née primitivement en Italie, et prodigieusement accrue par l’imitation espagnole, sévit en France avec une véritable fureur. L’Astrée de d’Urfé donna le signal, et la pastorale allégorique devint bientôt le genre à la mode. L’allégorie pure finit même par absorber la pastorale, et se passa de cette vraisemblance qui pouvait seule soutenir des œuvres où tout était fiction. Bien