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CXXXIV

réelles, se consumait en efforts stériles et se dépensait en frivolités.

Les théologiens, ces gardiens de la foi, touchaient à l’extrême folie par les excès du mysticisme et à l’immoralité profonde par les raffinements de la casuistique. Intellectuellement parlant, l’Espagne était tenue au régime et il n’était point difficile de prévoir qu’elle périrait d’inanition.

Tel était l’état des esprits du temps de Cervantes. Ce grand homme, né assez tôt pour contempler dans tout son éclat la gloire nationale, suivait des yeux, sur son déclin, l’inévitable décadence de la puissance espagnole, et voyait s’évanouir comme un songe cette fausse grandeur qui n’était qu’apparence et mensonge. Nul ne sentit mieux que lui le vide de cette littérature si pauvre et si stérile malgré sa pompe et son incomparable fécondité. La vaine gloire ne pouvait lui faire illusion. De même que les forces effectives manquaient à cette monarchie qui poursuivait le fantôme d’un nouvel empire romain, de même la substance manquait à ces productions de l’esprit qui se multipliaient sous toutes les formes. L’histoire d’Espagne qui, dans cette brillante période, ressemble à la fois à un horrible cauchemar et à un roman d’aventures, l’histoire ressemblait fort à la littérature nationale. Si les projets des gouvernants étaient irréalisables et insensés, les imaginations des écrivains étaient monstrueuses et en dehors de la réalité. La lecture des livres qui se publiaient alors,