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CXXXI

par être exterminés ou expulsés, n’étaient tolérés sur le sol de la patrie reconquise que pour prolonger le triomphe et la vengeance des vainqueurs. Le peuple ne ressentit jamais un mouvement de pitié généreuse pour ces victimes destinées à alimenter son fanatisme. Les vaincus étaient toujours des ennemis. De là cette religion militante et toujours prête à l’extermination ; de là l’autorité sans égale de cette milice religieuse qui formait la grande armée de la foi, casernée dans des milliers de couvents ; de là ce respect mêlé de terreur qu’inspirait cette cour martiale qui condamnait sans appel au déshonneur ou au feu, et dont les fonctions étaient réputées saintes. On disait le Saint-Office, la Sainte-Inquisition, et chacun tremblait à ces noms redoutés, car tout le monde pouvait être justiciable du tribunal de la foi, d’une juridiction autrement étendue que celle de la Santa-Hermandad, expressément instituée par les rois catholiques pour la répression du brigandage.

Sans doute la politique fut pour quelque chose dans l’institution du Saint-Office ; mais il faut reconnaître que l’institution était éminemment nationale et qu’elle se développa et prospéra naturellement comme une plante dont le germe est éclos dans un sol favorable. L’inquisition prit racine en Espagne au moment où se levait sur l’Occident l’aurore de la Renaissance. Aussi pendant que la Renaissance illuminait et réchauffait l’Europe, l’Espagne ne reçut que quelques rayons de