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rières : les armes et l’Église. Celle-ci avait aussi sa milice, prêtres et religieux de tous les ordres, et ce terrible tribunal de la foi qui fonctionnait comme un conseil de guerre en permanence. La nationalité de l’Espagne n’étant que le résultat d’une guerre d’environ huit siècles contre l’infidèle, au nom de la religion et de la patrie, le sentiment national et le sentiment religieux étaient étroitement et indissolublement unis ; ils finirent par se confondre, et une fois l’indépendance reconquise, l’orthodoxie devint le symbole de l’unité. Les habitants de tous ces anciens royaumes de la Péninsule, qui n’étaient plus que des provinces d’une grande monarchie, s’arrogeaient d’un commun accord le titre de vieux chrétiens, et quoique divisés d’intérêts et de tendances politiques, par ce lien des croyances, ils ne formaient qu’une seule famille. Navarrois, Catalans, Asturiens, Galiciens, Basques, Valenciens, Aragonais, jaloux de leurs franchises, repoussaient ou ne subissaient qu’en frémissant le joug de la Castille ; mais la haine des mécréants, légitimée jusqu’à un certain point par les souvenirs d’une si longue croisade, leur tenait lieu de sympathie. Ils haïssaient tous également Juifs et musulmans, et leur orthodoxie se manifestait par l’intolérance.

Ces persécutions légalement organisées pour la défense de la foi, qui révoltent notre raison, étaient à leurs yeux comme de justes représailles après la victoire. Les descendants des Juifs et des Maures, qui finirent