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CXXIX

une tradition littéraire qui datait précisément de cette époque où florissait la chevalerie. Mais il s’agissait moins de rendre ridicule la chevalerie, morte et disparue sans retour, que de mettre en évidence l’action pernicieuse d’une littérature sans racines dans la réalité, inutile puisqu’elle ne représentait rien de vrai, et dangereuse par les chimères et les mensonges qu’elle offrait en pâture à l’ignorance crédule et à l’avide curiosité.

Après l’Arioste, le roman de chevalerie n’avait ni signification ni raison d’être. Le moyen âge enterré, la poésie chevaleresque devait finir, car elle n’offrait aux esprits qu’une image infidèle d’un ordre de choses suranné et aux imaginations, un idéal impossible. Les romans chevaleresques ne faisaient aucun bien et exerçaient une détestable influence : ces fictions invraisemblables entretenaient et développaient ce penchant à la rêverie, cet amour du merveilleux, cette croyance au surnaturel qu’il faut attentivement surveiller et contenir chez les races méridionales ; car ce sont ces dispositions natives non réprimées qui, secondant la paresse intellectuelle, ont précipité les peuples de l’Orient dans les délices de la contemplation passive, c’est-à-dire dans ce narcotisme perfide dont la fin est l’abêtissement.

Deux éléments dominaient en Espagne : la religion et la guerre qui absorbaient les forces vitales et l’âme de la nation. Il n’y avait à la rigueur que deux grandes car-