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CXXVI

sages de ses écrits, et qui éclate dès les premières pages de don Quichotte. La préface de ce roman unique est une satire mordante de la vanité et de la pédanterie de Lope de Vega. Il n’y est pas nommé ; mais il est facile de le reconnaître. Ce fécond dramaturge mettait des manchettes à ses livres, comme on dit en typographie, et il couvrait les marges de citations des auteurs grecs et latins, qu’il ne lisait guère ; il écrivait trop pour trouver le temps de lire des théologiens et des pères de l’Église. C’était un mélange monstrueux et ridicule d’érudition sacrée et profane, que Cervantes dénonçait en riant, comme un abus aussi intolérable que la manie d’entasser des éloges en vers et en prose dans les premières pages d’un nouveau livre.

Aujourd’hui, un auteur qui a besoin d’être recommandé au public, s’en va quêtant des articles, auprès des critiques en réputation ; cette sorte de publicité littéraire n’est pas moins recherchée que celle des annonces et réclames dans les journaux et les recueils périodiques. Mais du moins les auteurs attendent aujourd’hui que leur ouvrage ait paru pour en demander des appréciations. C’est tout au plus si par modestie ou par incertitude, les débutants sollicitent de quelque plume influente l’honneur ou l’aumône d’une préface.

Il n’en allait pas ainsi lorsque la critique, n’osant pas encore s’affirmer comme genre indépendant, n’était point une spécialité