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CXXV

universelle qui ne s’obtenait guère dans les lettres, qu’en travaillant assidûment pour le théâtre. Mais le théâtre était alors sous la domination de Lope de Vega et les plus renommés dramaturges gravitaient comme de simples satellites autour de cet astre éclatant.

On s’est étonné de la persistance que mit Cervantes à cultiver le genre dramatique, qui n’était pas réellement le sien. Mais il ne faut point exagérer cette obstination un peu imaginaire. Il convient de rappeler, à ce propos, que Cervantes fut au nombre des rénovateurs du théâtre espagnol, et qu’il doit compter parmi les représentants de cette période de transition qui préparèrent le chemin à Lope de Vega. De ses comédies de jeunesse, deux seulement ont survécu, el Trato de Argel et la Numancia, et elles sont assez remarquables, la seconde surtout, pour faire regretter que les autres soient perdues, notamment la Confusa dont il parle lui-même comme de son œuvre maîtresse.

Avant de conquérir la popularité par le don Quichotte, Cervantes s’était fait connaître comme auteur dramatique, et il ne pouvait pas désavouer les origines de sa réputation. Il se retira à temps du théâtre, et ne tenta point de lutter à forces inégales contre celui qu’il en a appelé le monarque et presque l’usurpateur.

Il est évident que cette retraite aussi prudente que prématurée ne fut pas sans un certain dépit, qui se trahit en maints pas-