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CXXIV

vrai, mais déjà avec cette pointe de fine ironie qui se retrouve à toutes les pages de ses écrits, des pédants et des puristes ; et avec le ton modeste d’un débutant, tout en protestant de son amour pour la poésie, il signale le vide de ces pastorales dont la manie avait succédé en Espagne à celle des romans de chevalerie. Il déclare en termes exprès que ses personnages ne sont point imaginaires, qu’il a eu en mettant son ouvrage au jour un mobile bien plus élevé que la satisfaction de son amour-propre et qu’il n’a pas hésité à franchir les limites étroites d’un genre littéraire qu’il se proposait évidemment d’agrandir, en mêlant les réflexions de la sagesse aux histoires et aux propos d’amour. Quant à l’invention et à l’exécution, il sait bien qu’on y trouvera aisément à reprendre ; mais son dessein étant de plaire aux gens de goût, si l’ouvrage ne les satisfait point, l’auteur promet de les contenter en leur annonçant des œuvres plus agréables et d’un art plus fini, otras ofrece para adelante de mas gusto y de mayor artificio.

C’était en 1584, qu’il faisait ces promesses au public, à l’âge de trente-sept ans. Évidemment, il connaissait sa vocation, dès cette époque, et entrevoyait le but ; mais il cherchait encore sa voie. Ce ne fut que plus de vingt ans après qu’il s’engagea dans le vrai chemin. La première partie de don Quichotte parut en 1605, et Cervantes n’avait rien publié depuis sa Galatée. La popularité lui vint aussitôt, c’est-à-dire cette célébrité