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CXXII

point, de grâce, un Cervantes de fantaisie, qu’on ne nous représente pas l’immortel écrivain comme un réformateur hardi et un philosophe trop avancé pour son temps, et surtout qu’on ne s’avise pas d’affirmer sans preuves démonstratives, que ses infortunes ne furent que le châtiment et comme l’expiation de son mérite transcendant et de ses opinions prématurées. De conjecture en conjecture, l’imagination aidant et l’amour des théories, on arrive à construire un système, mais ce système n’est souvent fondé que sur l’invraisemblable et l’absurde.

Ainsi, M. Benjumea, qui n’a point encore mis le couronnement à son édifice, mais qui a tout son plan dans la tête, a émis cet insoutenable paradoxe, que Cervantes, tout en faisant la satire des romans chevaleresques, était un admirateur passionné de la chevalerie. Est-ce bien la peine d’amasser tant de savoir et de faire une si prodigieuse dépense de temps et d’esprit, pour aboutir finalement à de pareilles conclusions ? Le nouveau commentateur voudrait-il justifier les théories de ces illuminés qui font à Cervantes le triste honneur de lui accorder un piédestal dans ce qu’ils appellent fastueusement leur avenue de sphinx ?

Comme il y a des commentateurs maniaques et désireux de se singulariser par des interprétations extravagantes, les conclusions du commentaire qu’on nous promet pourraient bien être conformes aux principes de cette singulière poétique dont