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CXV

Cervantes, parlant comme un moderne et prévoyant les destinées de la poésie, remarque non sans à-propos qu’un poëme épique se peut écrire indifféremment en vers ou en prose ; et c’est en traitant du roman qu’il fait cette remarque[1]. Toutes les variétés de la poésie peuvent trouver place dans ce genre, de même que toutes les variétés de l’éloquence, suivant lui, et il s’étonne que les auteurs des romans de chevalerie n’aient pas su tirer de l’instrument qui était entre leurs mains tous les sons qu’il pouvait rendre. Aussi, en donnant le coup de grâce à cette littérature détestable, qui corrompait à la fois le goût, l’esprit et les mœurs, il ne se borna point à écrire une agréable satire ou un poëme burlesque, comme celui de l’Arioste.

Don Quichotte, qui est l’histoire de la folie et le livre de la sagesse, embrasse en effet tous les genres et forme une espèce d’encyclopédie littéraire. Dans cette ample comédie à cent actes divers, le ton et la manière varient avec les scènes, et tous les éléments divers concourent à former un ensemble harmonique. La multiplicité des événements et le nombre des personnages contribuent à

  1. Porque la escritura desatada destos libros dá lugar á que el autor pueda mostrarse épico, lirico, trágico, cómico, con todas aquellas partes que encierran en si las dulcísimas y agradables ciéncias de la poesia y de la oratoria, que la épica también puede escrebirse en prosa como en verso. « Par vers heureux et par douce éloquence. » Don Quijote, primera parte, cap. xlvii, vers la fin.