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CXIV

Le lyrisme n’est qu’un élément de la poésie, un élément primitif. Les poëtes lyriques et élégiagies, les plus remarquables par l’originalité de conception et la vérité des sentiments, sont bornés et restreints dans leur étroit domaine, étroit, en effet, si on le compare à celui de la poésie épique et dramatique. De l’épopée au drame, il n’y a qu’un pas, de même que du drame au roman, qui est la véritable poésie épique des peuples modernes.

Que le lecteur médite là-dessus, et il se convaincra que les genres vraiment féconds en littérature sont ceux qui se développent et se transforment à travers les âges, en s’accommodant aux nécessités du temps. Ni la poésie lyrique, ni la poésie élégiaque ne se transforment sensiblement, et leur nature même les oblige à l’immutabilité. Les faiseurs d’odes et d’élégies sont semblables à une lyre qui résonne ; ils font écho, et ne donnent pas le ton. Cette poésie est passive, quoi qu’en disent les inspirés.

Certes, ni les odes ni les élégies n’ont fait défaut en ce siècle. Mais toutes les lamentations et méditations, toutes les antiennes pindariques ou antipindariques ne valent pas ensemble, pour la signification et pour l’influence, une de ces chansons légères que forgeait laborieusement le génie sobre et tout gaulois de Béranger, qui était, lui aussi, dans sa mesure, un membre de cette famille de poëtes prosateurs, dont l’inspiration se tempère et se règle par le bon sens.