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CXI

est la faculté par excellence, et le génie se reconnaît à l’originalité. Mais la raison est ou doit être en tout la maîtresse, et il faut se garder avant tout de tomber dans l’extravagance, et de tourner le dos à la tradition du sens commun.

Chez les grands artistes, les vrais maîtres et créateurs, ce n’est point l’imagination qui commande. Un homme d’une imagination sans frein s’exalte par degrés jusqu’à l’hallucination : tels les voyants et les prophètes, qu’il est maladroit de proposer comme exemples, même dans une poétique, à moins qu’on ne prétende donner raison aux médecins de fous, qui regardent le génie comme une névrose. Le sujet est immense, et nous ne pouvons que l’effleurer.

Il y a des variétés de génie, comme il y en a d’esprit et de caractère, et le nombre en est grand, puisque le génie est quelque chose d’aussi individuel et personnel que le tempérament. Il est permis néanmoins d’établir des groupes et des classifications, en prenant pour base les analogies et les ressemblances. En ne s’attachant qu’aux traits saillants et aux conditions essentielles, on pourrait, à la rigueur, former deux classes.

La puissance d’invention est le signe propre ou caractéristique du génie. Cette faculté peut dominer et absorber toutes les autres, et se développer même à leur détriment. Dans cette classe rentreraient les poëtes qui fécondent tous les germes, sans s’inquiéter des produits ; dans ces cerveaux féconds et