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CVII

L’inspiration, l’enthousiasme poétique, c’est comme « une tempête sous un crâne. » Voulez-vous une belle tempête, un cataclysme complet, déchaînez tous les éléments, et mettez en contact le double pôle antithétique. La théorie est démontrable comme en physique.

Telle est en substance la nouvelle esthétique du grand art et de la poésie : l’avenue des sphinx achève la démonstration.

La théorie de l’antithèse est rigoureuse ; elle laisse hors de l’enceinte sacrée nombre de dieux qu’ont vénérés les siècles et qu’on s’étonne de ne pas voir parmi les élus. Et pourquoi Molière se plaindrait-il de son exclusion ? N’a-t-on pas vu dernièrement un critique de profession, bon juge d’ordinaire et d’un discernement très-fin, reléguer Lucrèce au second rang des poëtes ? Certes, Lucrèce et Molière, qui ont des affinités de génie et quelques points de ressemblance, peuvent se donner la main et marcher ensemble. Il est toutefois regrettable qu’un esprit judicieux consacre en quelque sorte, par un jugement non motivé, cette distribution solennelle et ridicule de rangs et de places, par un auteur qui fait une poétique extravagante, en vue de justifier les défauts et les monstruosités qui déparent ses ouvrages.

On sait ce que valent les théories et les systèmes imaginés à mauvaise fin. Ils ne valent pas mieux que les constitutions et les lois que l’on pourrait promulguer pour autoriser des abus de pouvoir ou des mœurs