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CIV

dessous des cartes. À regarder de près le jeu des comédiens, le spectacle est peu intéressant et ressemble assez à une parade de saltimbanques ou à une grossière mascarade. L’observateur le plus curieux se retire bientôt las et dégoûté. Ces héros de théâtre ne sont vêtus que d’oripeaux et parés de clinquant. Il n’y a rien sous leurs mots sonores, rien sous leurs grandes phrases creuses, si ce n’est un immense orgueil et une insatiable vanité.

Voici une nouvelle Apocalypse, qui le dispute en obscurité aux énigmes du solitaire de Pathmos. C’est une poétique à l’égyptienne ou à la barbare qui s’ouvre par une avenue de sphinx. Ce sont, en langage hiératique ou hiéroglyphique, les génies colosses ou géants (ces grands mots sont bien ici à leur place) qui règnent en maîtres et dominateurs sur les intelligences les plus hautes : Dante y est avec Homère, Shakespeare avec Eschyle, Rabelais aussi avec Isaïe et Ézéchiel, le curé de Meudon entre deux prophètes.

Molière n’a pas été admis dans ce congrès de souverains, quoiqu’il ait fait don Juan. Mais pour consoler Rabelais apparemment, on a fait entrer Cervantes qui l’empêchera de rester isolé et ennuyé en si brillante compagnie. Au fond de l’avenue s’ouvre le temple (ce n’est pas le temple du goût) où l’hiérophante explique les mystères aux initiés et prononce des oracles en attendant l’apothéose. Il y a des fidèles illuminés qui prê-