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CIII

vraiment qu’ils vivent de la vie réelle et positive, malgré leurs spéculations sublimes, leurs rêveries mystiques et apocalyptiques, et leurs méditations suivies sur l’infini et le divin.

Ils sont, dit-on, un des signes du temps. Sans doute, ils ont leur raison d’être, puisqu’ils se produisent, s’affirment et s’étalent, sans contradicteurs sérieux, car il faut compter pour rien les sots ou les hypocrites qui protestent au nom et dans l’intérêt d’une coterie, d’une confrérie, du couvent ou de l’église. La raison et la vérité désavouent ces défenseurs dont le moindre défaut est de manquer de sincérité ou de pénétration.

Quel est donc l’élément vital qui soutient ces novateurs de toute espèce, théologiens, métaphysiciens et critiques, pour ne rien dire des autres ? La conscience même de leur impuissance qui les a rendus habiles à simuler des qualités absentes et à dissimuler des défauts ou des vices de nature. Ceci n’est point un paradoxe. Prenez leurs livres, examinez-les, sondez-en le fond et la pensée intime, et vous verrez qu’en histoire, en religion, en philosophie, en critique, chacun a patiemment élaboré un système à son image, taillé dans sa propre étoffe, fait exprès pour glorifier ses qualités réelles, ses défauts et ses faiblesses ; car le plus sûr moyen de dissimuler ses imperfections, c’est de les glorifier.

La masse, toujours crédule et prompte à l’erreur, se laisse prendre à ce leurre ; mais non ceux qui percent le masque et voient le