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XCVIII

un certain point légitime de considérer, sinon de traiter comme atteints d’aliénation, les cerveaux dont les manifestations vitales ne sont point régulières.

Cette théorie pathologique a beau paraître étrange et à certains égards humiliante ; il est des esprits hautains qui s’en accommodent à merveille, tant ils dédaignent et méprisent la loi et la règle et le sens commun, ainsi nommé, non parce qu’on le croit très-rare, mais parce qu’il sert de balancier à toutes les intelligences qui ne sont pas détraquées. Quand ce balancier s’arrête ou va de travers, le timbre se brouille et l’horloge ne sonne plus l’heure exacte. Or, tout chronomètre mal réglé est en contradiction avec sa propre fin, qui consiste à indiquer précisément les divisions adoptées pour marquer la marche du temps et mesurer la durée.

L’ordre et la mesure règlent aussi les fonctions cérébrales à l’état normal, et les médecins de fous se fondent sur l’absence de ces conditions essentielles pour constater la folie. Si l’absence est complète, on a affaire à une aliénation générale ; si elle est incomplète, à une aliénation partielle. Il y a des degrés en tout, et même dans la déraison. Aussi la déraison, tant qu’elle n’a pas atteint la limite extrême ou la démence, peut-elle présenter les apparences de la raison : il est des spécialistes qui admettent ce qu’ils appellent la folie lucide, ou, mieux, la manie raisonnante.

La métaphore est transparente, et il serait